Au bon vieux temps...

25/01/2022

Au bon vieux temps du flottage

Le Morvan a fourni à Paris environ 90% de son bois de chauffage.


Autun, à l'époque gallo-romaine, fut une plaque tournante du commerce européen, grâce aux voies de circulation qui la mettaient en relation avec les autres grandes régions. Mais après les invasions du III° siècle et la chute de la ville, le Morvan fut vite isolé, coupé des grandes routes commerciales et ne pouvant pas alimenter des sites industriels, faute de moyens de transport adaptés.


Le sol ne permettait pas non plus de développer de grandes cultures et juste un peu d'élevage.Comme seule source de revenus stable, il y avait la forêt, majoritairement composée de hêtres.

Aux XVI° et XVII° siècles, la population de Paris connut une progression spectaculaire et la grande inquiétude de ces gens était la difficulté à s'approvisionner en bois. Bois de construction mais surtout bois de chauffage. Après avoir exploité au maximum les forêts d'Île-de-France, il fallut trouver une autre source d'approvisionnement. 

Le principal écueil était l'acheminement du bois par les charrons, long et coûteux.
Or, le Morvan était relié à la capitale par l'Yonne et ses affluents, puis la Seine. L'eau pouvait donc, sans grands investissements, charrier les bûches et les troncs vers Paris.

Les quelques difficultés techniques furent assez rapidement résolues. Tout au long des rivières, on creusa des retenues et des barrages, afin de provoquer des crues artificielles au moment voulu.

C'est ainsi qu'est né par exemple le lac des Settons.

Ce qu'on appelait les « bûches perdues » étaient marquées de leur symbole par les propriétaires forestiers et rassemblées par les ouvriers (hommes, femmes et enfants), sur les rives. Lorsque le chantier de bûcheronnage se situait loin de la rivière, les galvachers et leurs attelages de bœufs les transportaient vers les berges .

En général, les bûches ou « moulées », étaient déjà vendues avant d'être mises à l'eau. En effet, des foires au bois, comme celle de Château-Chinon, qui se tenait en novembre, permettaient ses négociations.

Au printemps, tout le monde s'affairait pour mettre les bûches à l'eau. Tout au long du parcours, des ouvriers armés de crochets et de perches, étaient chargés de diriger les bois vers le courant, jusqu'à ce que tout arrive à un port. Plusieurs villes devinrent des ports mais c'est surtout Clamecy qui se fit une renommée dans le domaine du flottage.

Un métier dangereux était né également, celui de flotteur. A l'arrivée des milliers de bûches dans les ports, celles-ci étaient crochetées, transportées par brouettes à un atelier, triées par marques de propriétaires et assemblées en trains de bois. C'est souvent à ce moment-là que des ouvriers tombaient à l'eau. En cas de débâcle, l'ouvrier pouvait être broyé par le bois.

Les trains de bois étaient ensuite dirigés par un équipage jusqu'à Paris.

Comme nous l'avons vu plus haut, le Morvan n'avait pas de véritables voies de transport routiers et la vallée de l'Arroux n'était pas concernée par cette organisation. Pourtant depuis la période romaine, la rivière était utilisée pour le flottage. Mais c'était surtout du charriage de bois personnel pour se chauffer l'hiver. Cependant, les exploitants forestiers auraient bien voulu profiter, eux aussi, des retombées financières de la gourmandise parisienne en bois de chauffage. Des projets furent envisagés pour rendre l'Arroux flottable et navigable depuis Autun, mais le courant étant rapide et les obstacles nombreux sur son cours, cela aurait été fort coûteux.

Mais, le bois du versant sud du Morvan put malgré tout être exploité. Après 60 km de flottage, les bûches pouvaient être rassemblées à Gueugnon, lieu où l'Arroux devenait navigable. Pourtant cette portion de la rivière ne servait pas au transport par trains de bois, mais des bâteaux de 29 mètres, construits dans les environs de Toulon-sur-Arroux descendaient pour être déchargés en bord de Loire.

A cette époque, la Loire était flottable depuis Retournac, puis navigable depuis Roanne. Elle acheminait le bois du Forez et le charbon de Firminy. Pour rejoindre Paris, les canaux du Loing, de Briare et d'Orléans permettaient la jonction avec la Seine.

Ainsi, pendant 400 ans, le Morvan a fourni à Paris environ 90% de son bois de chauffage. L'utilisation du charbon pour chauffer les familles sonna la fin du flottage. Et tant mieux ! Il était temps de stopper cette hémorragie, car la forêt morvandelle n'arrivait plus à se régénérer et surtout, les sols, comme ceux du Forez également, n'étant plus fixés par les racines des arbres, ont fini par être emportés par l'érosion et les pluies. C'est, en partie ce qui explique qu'aujourd'hui la Loire ne soit plus navigable dans le secteur, envahie par les sables apportés par ses affluents.